Animé par Matthias
Une vingtaine d'AMG se sont retrouvés pour parler de fiscalité avec le sourire. Ci dessous on trouvera quelques éléments de l'introduction à la soirée, les grands thèmes qui ont été abordés et des références pour approfondir le sujet.
Introduction
Parler fiscalité c'est parler projet de société. Ainsi, on peut comprendre le projet de société du gouvernement au travers de ses réformes fiscales. C'est à nous de dessiner les contours d'un autre projet de société basé sur une toute autre fiscalité.
1. Quel est le projet de société du gouvernement ?
Il est très lisible derrière sa vision de la fiscalité. L’idée est simple : baisser les impôts des plus riches et sabrer les services publics. Il s’agit de permettre aux plus riches de garder leur argent. Ils n’ont pas besoin de services publics puisqu’ils peuvent se payer des services privés (universités privées, hôpitaux privés, etc).
C’est ce projet qui est mis en place actuellement : toutes les réformes actuelles (école, hôpitaux, sécurité sociale, retraites, etc) on pour excuse le déficit public, et pour proposition la réduction des dépenses.
Cette vision des choses n’est pas neuve : depuis 20 ans on constate une baisse continue des impôts en France mais aussi aux États-Unis, en Angleterre ou en Allemagne. C’est la théorie du "ruissellement" : si les riches sont plus riches, l’économie toute entière en profite, donc les plus pauvres aussi. C’est l’argument constamment utilisé pour justifier le bouclier fiscal par exemple. Mais cela ne marche pas comme ca.
Quel est la conséquence de cette politique en France ? Le creusement des déficits publics. Perte de 100 milliards d’euros sur 10 ans (calcul de Mr Gilles Carrez de l’UMP).
Que propose N. Sarkozy ? Réduire les dépenses. Comment ? En diminuant le nombre de fonctionnaires. Mais quant on regarde les chiffres on constate que le non remplacement de 1 fonctionnaire sur 2 qui part à la retraite ne fait économiser que 500 millions d’euros par an. Tandis que la baisse de la TVA dans la restauration fait perdre 3 milliards d’euros par an. Le bilan de N. Sarkozy est donc négatif !
Les niches fiscales sont également bien plus responsables de ce déficit. 86% des niches fiscales bénéficient aux 10% des plus riches en France. L. Bettencourt par exemple est actuellement imposée à 9% de ses revenus de 400 millions par an. Elle ne paye donc que 40 millions euros. Le fisc lui a même remboursé 30 millions d’euros grâce au bouclier fiscal. La France est donc un véritable paradis fiscal pour ceux qui peuvent se payer des juristes fiscalistes (optimisation fiscale). On rigole quand Messieurs Sarkozy, Brown et Obama nous parlent de liste noire des paradis fiscaux en fronçant les sourcils.
2. Quel est notre projet de société ?
Nous devons avoir une vision claire de la fiscalité que nous souhaitons, et nous battre pour la mettre en place. A quand des manifestations pour une fiscalité plus juste ? Quel est ce projet ? Ce n’est pas très compliqué : augmenter les impôts des plus riches pour mieux répartir les richesses. Parallèlement, avec ces nouvelles ressources construire de vrais services publiques bénéficiant à tous.
On peut même aller plus loin et dire que ce projet de société profitera à tous : les plus modestes comme les plus aisés ! Une étude parue récemment en Grande-Bretagne explique que Les bénéfices d’une plus grande égalité se répartissent dans toute la société et améliorent la santé de tout le monde, pas seulement celle du bas de l’échelle. En d’autres termes, quels que soient les niveaux de revenus, on vit d’autant mieux que le pays est égalitaire. Ce n’est pas seulement vrai pour les pauvres mais aussi pour les autres. Par exemple, les hyper-riches aux EU ont une espérance de vie inférieur aux très-riches des pays scandinaves. Pourquoi ? La violence, l’état du système de santé ou du système éducatif, pèsent lourdement sur les conditions de vie de chaque membre de la société.
Mais il faut quand même se demander si un tel projet à une chance d'être mis en place. Dans le système politique français actuel - que l'on peut qualifier d'oligarchie libérale - la réponse est malheureusement non. Car le gouvernement actuel ne met pas en place des politiques favorables à l'ensemble de la population, mais à une petite minorité de possédants. Néanmoins, c'est à nous de faire changer les choses et de porter ce projet car, comme le dit l'historien américain Howard Zinn : Il est très dangereux d'attendre un sauveur, un chef qui fera le nécessaire. Personne au sommet de la pyramide ne fera le nécessaire. Ce ne sont pas les initiatives des présidents, du Congrès ou de la Cour suprême qui ont amélioré la société, mais plutôt l'action des gens ordinaires.
Grands thèmes abordés
François fait remarquer que cette vision de la fiscalité fonctionne surtout pour les impôts sur le revenu. Que si les impôts directs baissent effectivement depuis plusieurs années, les impôts indirects et les impôts locaux augmentent. L'enjeu c'est donc surtout une refonte de l'impôt sur le revenu, pour redistribuer les richesses.
Pierrot fait également remarquer qu'il faut avant tout être en colère sur l'utilisation des impôts. Il met face à face les dépenses somptuaires de notre président et les coupes dans les services publics.
La question de la régionalisation des impôts est également soulevée. Faut-il régionaliser les prélèvements et l'utilisation des impôts ? L'exemple de la transformation du RMI en RSA est rappelé. De plus, le cadre national permet de faire jouer la solidarité entre les régions.
Dominique se demande pourquoi l'homme veut de moins en moins partager avec ses semblables, et pourquoi les sociétés sont de moins en moins solidaires. Les valeurs qui accompagnent l'ascension du capitalisme depuis deux siècles et le retour en force de l'idéologie néo-libérale depuis le début des années 1980 n'y sont pas pour rien.
François précise que parler de fiscalité et de redistribution des richesses c'est finalement réfléchir à la manière de faire mieux fonctionner le système économique actuel. Sur ce sujet la vision de l'entrepreneur américain Garrett Gruener (ci-dessous) est intéressante. De nombreux entrepreneurs appellent de leur vœux une meilleur répartition des richesses afin de relancer la consommation, donc la production et la croissance. Il s'agit de faire reposer la croissance non pas sur l'endettement des ménages mais sur une véritable progression des salaires. C'est ce qu'avait mis en place Henry Ford au début du 20e siècle lorsqu'il avait compris que ses ouvriers étaient aussi les consommateurs potentiels de ses produits. La hausse des bas-salaires est évidemment un objectif mais en ce début de XXIe siècle, on doit aussi poser la question de l'écologie. Une nouvelle politique "fordiste" serait-elle compatible avec la préservation de l'environnement ? Même si comme le souligne Hervé Kempf (Comment les riches détruisent la planète) ce sont surtout les modes de consommation des très-riches qui nuisent à l'environnement en se répandant vers les classes moyennes.
Références
Trois émissions récentes de La bas si j'y suis sur ce thème les 28, 29 et 30 septembre dernier. A écouter absolument ici.
Vous pouvez aussi lire un article intéressant paru dans le Courrier International du 30 septembre dernier à propos des États-Unis ou le débat sur la fiscalité est également d'actualité. L'article ici.