La vie en couple, une illusion ou un accomplissement ?
à 20h00
à l'Hotel de l'Ange
Guebwiller
(NB: en période de carnaval, les personnes masquées sont admises pour témoigner...)
André COMTE-SPONVILLE « Le sexe ni la mort » :
« La monogamie, chez les mammifères, est l'exception. Et il n'est pas rare, chez les humains aussi, que la nouveauté soit plus excitante que l'habitude. L'habitude a aussi ses charmes, ses délices, ses variations, ses innovations ... Mieux vaut, me disait un ami, faire des choses toujours différentes avec la même femme, que faire toujours la même chose avec des femmes différentes. A chacun d'en juger, selon ses goûts et ses engagements, ses expériences ou ses fantasmes.
Ce qui fait le couple, ce n'est pas la seule appétence sexuelle, c'est la volonté de vivre cette appétence, de la nourrir, de l'entretenir ... avec celui ou celle que l'on a choisi, c'est aimer non pas la possession physique de l'autre, comme le loup aime l'agneau, mais aimer son existence, sa présence, sa liberté, enfin jusqu'à sa solitude, si émouvante, si bouleversante, que le couple réchauffe sans l'abolir. »
Michel ONFRAY « Théorie du corps amoureux - Pour une érotique solaire »:
« Pour en finir avec le modèle chrétien, la monogamie, la fidélité, la procréation, la famille, le mariage et la cohabitation associés, il faut redéfinir théorie du contrat appuyée sur la seule volonté de deux libertés célibataires avec le désir comme excès, le plaisir comme dépense.
L’idéal ascétique pythagoricien, juif, platonicien et chrétien suppose la misogynie, la haine du désir et des plaisirs, la condamnation de la chair, le mépris du corps, le pouvoir absolu du mâle. L’idéal hédoniste cyrénaïque, cynique, épicurien invente la liberté amoureuse, la chair sans culpabilité, le célibat joyeux et l’égalité libertine des hommes et des femmes.
Pour répondre à la question : comment rester libre dans la relation amoureuse ? il faut déchristianiser l’éthique, réaliser un féminisme libertin, promouvoir un éros léger, ludique et formuler une physiologie des passions qui permette un art de rester soi dans le rapport à autrui.
On peut aimer mais différemment. On peut être fidèle mais différemment. La fidélité, ce n'est pas l'exclusivité. L'amour, ce n'est pas la monogamie. La monogamie, ce n'est pas l'amour.»
NIETZSCHE "Le gai savoir" 1882, traduit par Alexandre Vialatte:
« Malgré toutes les concessions que je suis prêt à faire au préjugé des monogames, je n'admettrai jamais qu'en amour on parle des mêmes droits pour la femme et pour l'homme ; ces mêmes droits n'existent pas. Le même mot d'amour signifie en effet deux choses différentes pour l'homme et la femme(…). Ce que la femme entend par amour est assez clair : ce n'est pas simplement le dévouement, c'est un don total de corps et d'âme, sans restriction, sans nul égard pour quoi que ce soit ; elle aurait peur, tout au contraire, elle rougirait d'un abandon sous condition, lié à des clauses. C'est cette absence de conditions qui fait de son amour une foi : la seule qu'elle ait.
Quant à l'homme, s'il aime une femme, c'est cet amour là qu'il veut d'elle ; il est par conséquent bien loin de postuler pour soi le même sentiment que pour la femme ; s'il se trouvait des hommes qui éprouvassent aussi ce désir d'abandon total, ma foi,... ce ne seraient plus des hommes. Un homme qui aime comme une femme devient par là même un esclave ; au lieu qu'une femme qui aime en femme n'en devient que plus parfaitement femme...
La passion de la femme, renonciation totale à toute espèce de droits propres, postule précisément que le même sentiment, le même désir de renoncement n'existe pas pour l'autre sexe : car, si tous deux renonçaient à eux-mêmes par amour, il en résulterait,... ma foi, je ne sais trop quoi,... - disons peut-être l'horreur du vide ? - La femme veut être prise, acceptée comme une pure propriété ; elle veut se fondre dans l'idée de "propriété", de "chose possédée" ; elle exige donc quelqu'un qui prenne, qui ne se donne pas lui-même, qui ne s'abandonne pas, mais qui veuille, tout au contraire, enrichir son moi, dans l'amour, de cet accroissement de force, de ce supplément de bonheur et de foi que la femme prétend lui apporter dans sa personne. La femme se donne, l'homme s'augmente d'elle ; je pense que nuls contrats sociaux, malgré la meilleure volonté et la plus grande soif de justice, ne pourront rien contre cette antithèse naturelle, si désirable qu'il puisse être de ne pas laisser voir constamment la dureté, l'horreur, l'énigme et l'immoralité de cet antagonisme. Car l'amour, car le grand amour, l'amour total, l'amour complet, c'est de la nature, par conséquent comme toute nature, chose "immorale" éternellement.
La fidélité, comme on le voit, fait partie de l'amour féminin dont elle ressort de la définition même ; chez l'homme elle peut facilement naître de la suite de l'amour, comme une espèce de reconnaissance, ou d'idiosyncrasie du goût - c'est l'"affinité élective" - mais elle n'entre pas dans l'essence de l'amour ; elle le fait même si peu que l'on pourrait presque parler d'une antinomie naturelle entre l'amour et la fidélité de l'homme : l'amour de l'homme étant désir de posséder et non abandon, renoncement, et le désir de posséder cessant avec la possession... Si l'amour de l'homme persiste c'est bien, de fait, que son désir de possession est assez fin et assez soupçonneux pour ne s'avouer que rarement et tardivement qu'il "possède" ; il est même possible alors qu'il croisse après le don de la femme : il ne s'avoue pas facilement qu'elle n'a plus rien à lui donner. »
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